Qu’est-ce qu’être humain ? Avoir une apparence humaine ? Une âme ? Une sensibilité à l’art ? Les Daft Punk sont-ils humains ? Il suffit d’écouter un album pour répondre à cette question par la négative, les Daft Punk ne sont plus des humains, leur son n’est pas humain, il est conçu par la machine tant du point de vue des outils que de l’artiste.
Mais alors pourquoi ce choix d’abandonner l’humanité pour le robot ? La volonté d’anonymat, de n’être connu que pour sa musique ? Rendre hommage à la machine en se muant en elle ? Les Daft Punk en faisant le choix de dissimuler leurs visages, n’aurait-il pas fait naître un paradoxe encore plus important ? En faisant ce choix, ils ont en réalité mis en avant leur image. Que retient-on le plus chez Daft Punk ? Les casques ou la musique ? Peut-être que sans ce choix, les Daft Punk auraient été moins connus car même si le fait de se masquer en musique n’est pas nouveau (Kiss, David Bowie, etc…), les Daft Punk ont créé un univers autour de la machine et de l’électronique desquels découle un grand paradoxe : le casque.
Tout d’abord, pourquoi ce choix et quand fut il fait ? Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo créent Daft Punk en 1993, après découverte de la musique électronique au cours d’une Rave Party sur le toit de Beaubourg, le groupe commence alors à composer des sons et à se produire en live à visage découvert. Puis, avec le début de la célébrité, les deux amis commencent à se masquer, à jouer avec les codes du système, ils se moquent des normes du star-system et des maisons de disques. Mais peut-être que le casque a finalement fait le jeu des majors par le biais de l’image de marque qu’il proposait, la marque Daft Punk, l’homme devenu machine reconnaissable à des kilomètres, une sorte de publicité permanente et implicite. À la fin des années 90, les masques sont simplistes et grossiers, pas encore au niveau d’élaboration des casques finaux. La première incursion d’un casque dans l’univers Daft Punk arriva avec Michel Gondry lors du tournage d’Around the World (cf clip sur YouTube), puis Thomas, alors fasciné par les machines, l’électronique, eut une idée, le bug de l’an 2000. En effet, comment justifier le passage de l’humain à la machine, comment ce changement pourrait arriver ? La réponse est simple, le bug de l’an 2000, Thomas et Guy-Manuel sont mort le 31 décembre 1999 et Daft Punk, les robots Daft Punk naquirent le 1er janvier 2000.
Ce choix fut fait pour de multiples raisons, échapper à la célébrité dans la vie de tous les jours tout en étant connu lorsque le robot revient. Ce ne sont plus des humains, mais des humains augmenté par la machine, tout comme leur musique, par le biais de l’électronique, que ce soit la voix, les instruments ou les effets employés. Les Daft Punk disposent du génie musical humain et des avantages qu’offre la machine. Un premier paradoxe est alors visible, la transformation en robot fut elle humanisante ? Selon Thomas Bangalter, le casque ne les place pas dans une position supérieure au reste des humains, mais à leur hauteur, leur visage est inconnu, uniquement le robot et la musique. L’humain en ce qu’il a de caractéristiques humaines est identique au commun des mortels et telle est la force du choix fait par les Daft Punk. Aussi, le casque offre plus de liberté mais peut-être au prix d’une déresponsabilisation. Quand on est humain, on est libre et nous avons des responsabilités, celle de choisir et donc de renoncer, mais qui choisit, renonce, Thomas et Guy-Manuel ou les robots ? Qui fait la musique, l’humain ou le robot ? Le robot, n’est-il qu’un costume ou le prolongement de l’humain ? Dans le cas de Daft Punk, la réponse est double, le casque est à la fois un costume permettant de se moquer des codes et du culte de la beauté visuelle, purement humaine au profit de l’anonymat, mais aussi le prolongement de la machine leur permettant de produire de la musique. C’est donc en réalité, bel et bien leur génie humain qui crée la musique et la machine qui permet la matérialité, l’humain et la machine ne font qu’un et forment ainsi une symbiose complémentaire et harmonieuse, Daft Punk n’aurait jamais été sans la machine et la machine n’aurait pu être sans l’humain, telle est l’harmonie Daft Punk. Symbole ultime de cet humain-robot, l’abandon du robot intégral au début des années 2000 dans le fim Electroma alors rempli de paradoxes, l’explosion du robot, non pas pour le retour de l’humain, ou pour un robot encore plus présent comme le laisse prétendre la scène du film lorsque l’un retire son casque et qu’apparait alors une carte mère à la place du visage, mais pour une présence plus modéré du robot au profit de l’humain, le robot portera à présent des habits humains, une veste en cuir, pour mieux se fondre dans la masse et au mieux cohabiter avec l’humain. On retrouve ici une thématique présente dans le film Phantom of The Paradise de Brian de Palma, celle du déguisement de Winslow, ici par nécessité, chez les Daft Punk avec une touche de Dorian Grey, le robot ne vieillit pas, Daft Punk est immortel.
Les Daft Punk sont restés des enfants, ils se déguisent, jouent avec ce déguisement, on ne sait pas qui est derrière le casque, rien ne nous dit qu’ils n’échangent pas à certains moments afin de tromper les foules, mais surtout nous rappeler une chose, vous n’êtes pas là pour l’apparence humaine, mais pour la musique proposée par l’humain, peu importe le déguisement et qui est derrière le déguisement. Les Daft Punk sont des passionnés de musique et de son, et la condition pour que le public le soit aussi, c’est de couper toute distraction qui pourrait les détourner de ce but-là et notamment l’apparence humaine alors glorifiée au cours des années 2000 avec l’apparition des réseaux sociaux notamment. Les Daft Punk ont toujours imposé leur condition, le casque est un choix fort et à contre-courant des codes en place.
Il subsiste cependant une dernière interrogation soulevée en introduction, le casque symbole d’anonymat n’est-il pas en réalité la condition première de la célébrité ? Qu’aurait été Daft Punk sans casques, deux simples DJ ? La réponse est alors similaire à celle précédente, l’humain a donné au casque la possibilité d’exister et le casque, la possibilité à l’humain d’évoluer, de se transcender, d’oublier que l’humain était derrière la machine. Enfin, sommes nous là pour les visages ou pour la musique ? Nous étions là pour Daft Punk et leur univers, celui du choix d’un robot humanisé et sublimé par l’apogée électronique des musiques produites par cette symbiose humain robot, par le plus grand groupe français de tous les temps et le plus grand groupe d’électro.
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