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Noahm Chagnon

Mezzanine, ou l’apogée du trip-hop



L’enfant terrible

Troisième album de Massive Attack, Mezzanine sort en 1998 au format MP3 sur le site officiel de Massive Attack, bien avant sa mise en vente au format CD, un procédé novateur qui annonce déjà les ruptures de l’album avec les deux précédents. La mise au point de l’album et sa dérive des sons caractéristiques des débuts de Massive Attack ne se fait pas sans frictions. Andrew « Mushroom » Volves, quitte le groupe suite à la sortie de l’album et à cause de désaccords artistiques avec Robert del Naja et Grant Marshall, les deux survivants du quatuor originel. Tricky, membre fondateur, a déjà quitté le groupe et emmené avec lui les sonorités rap, soul et hip-pop caractéristiques des deux premiers albums.

Avec une équipe et une direction artistique renouvelée, l’album ne peut que constituer une rupture. Mezzanine se distingue d’abord de ses deux prédécesseurs par ses deux voix invitées : le chanteur de reggae Horace Handy et Liz Fraser, chanteuse des Cocteau Twins et pionnière de ce qui n’est pas encore le shoegaze. Côté instrumental, on s’éloigne des sonorités jazz, hip-hop, et urbaine ainsi que les accords de guitare pour plonger dans un univers purement électronique, fait de sons ambients travaillés et déformés, et quelques samples aux accents de The Cure, accompagnés par le trio clavier, basse et voix.


Erotisme de puit sans fond

Mezzanine n’est pas un album sympathique, c’est un album paradoxal, fait de crissements d’ongles sur un tableau noir, d’érotisme langoureux, de nuits fiévreuses et angoissées, de langueur lascive. C’est toute la puissance de Mezzanine, « album total » supérieur à la somme des parties, singles autonomes mais pas indépendants. On balance en permanence entre la claustrophobie malade et oppressante de sons rauques raclant le fond des oreilles et la sexualité absolue des longueurs de basse et des voix envoûtantes. Car Mezzanine, en plus d’être un album souffrant et malade, est un album incroyablement érotique, qu’on retrouve systématiquement dans les playlists destinées à accompagner copulation, coït, coup d’un soir, ou symbiose avec l’être aimé. Car l’album sait créer, au milieu des sonorités lourdes et sombres, un enveloppement et un envoûtement sonore sans égal.

Mezzanine est un album total par l’attention portée aux détails, au moindre son, aux paroles, aux rares instruments exactement coordonnés dans un parfait chaos. La sonorité est langoureuse, touchante et mélancolique, les mélodies, à la fois séductrices et dérangeantes, avec des paroles dont la signification devient complètement secondaire et laissent la place à une recherche purement esthétique. C’est un disque qui s’écoute fort, sur des bonnes grosses enceintes aux basses mal réglées qui fendent l’air et écrasent les oreilles. Ou au casque, mais là encore, il faut savoir risquer l’acouphène.


Vie et mort du trip-hop

L’album est un Ovni, qui refonde le trip-hop et se pose comme son horizon indépassable, laissant les groupes influencés par le son du groupe de Bristol, Archive, Portishead, DJ Shadow, Björk, Tricky, réinventer leur propre genre plutôt que poursuivre dans la même voie. Album emblématique d’une époque et d’un groupe, il constitue sans doute le travail le plus abouti de Massive Attack. A consommer avec modération, et à réécouter régulièrement.

Albums similaires: Dummy (Portishead), Londinium (Archive).


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